En mai 2014, il n’était pas possible aux étrangers d’accéder au lac en raison des conflits.
Au lac, lorsque nous sommes arrivés, les guest-houses privées avaient été fermées, ne laissant que la possibilité de loger dans celle du gouvernement. L’accueil manque de chaleur, le service laisse à désirer… Lampe de poche recommandée.
Pour les repas, les maisons de thé et le petit marché de nuit permet de se restaurer. En chemin, sur le retour, une famille nous a proposé le repas.
Les jours et horaires des camionnettes manquent de précision. Mieux vaut se faire repréciser le jour et l’heure du départ. Négocier éventuellement une partie du retour à pied…
Les vendeurs défilent en enjambant les gens endormis dans l’allée. Par ordre d’apparition arrivent un marchand de glace qui, pour 60 Kyats, donne un cornet rose fluo assorti à la boule de glace… puis un vendeur de poudre miracle qui rend la peau blanche et enlève les odeurs de transpiration… un autre propose une poudre pour l’estomac et des granulés pour fortifier les enfants, en dégustation pour ceux qui le veulent. Puis défilent les marchands de sucreries : fruits marinés dans le vinaigre, le sel et le sucre, graines de tournesol aromatisées… Arrivent ensuite les fast-foods. Mes voisines achètent leur repas : curry soigneusement plié dans deux feuilles de bananier croisées, riz brûlant dans une autre. La vendeuse ouvre les paquets, verse le curry sur le riz, rajoute une poignée d’oignons grillés et une cuillère pour 350 Kyats… Suivent les loueurs de bandes dessinées, personnels du train qui, pour arrondir les fins de mois, offrent cinq livres pour 200 Kyats le temps du voyage…. Ensuite, à l’arrêt, montent des quêteurs pour pagodes en construction qui secouent leurs « tirelires » Et puis, tout recommence, le vendeur de glace…
En 1988 me dit mon voisin, deux démineurs se tenaient debout à côté du conducteur du train en raison de bombes fréquentes, posées sur les rails.
Dans ce sens, il faut 5 heures pour faire les 80 kilomètres séparant Hupin de Myitkyina. Derrière le passage à niveau attendent les camionnettes pour le lac Indawgyi. L’une est déjà pleine, chargée de sacs de riz et jerricans d’essence sur lesquels on a fixé des bancs en bois pour les passagers. Nous déjeunons d’un biryani au restaurant indien en face, puis escaladons le véhicule pour trouver une place. Nous devrons patienter encore 3 heures et payer à l’avance le trajet (2 500 Kyats chacun) pour permettre au chauffeur de faire le plein d’essence. Enfin, nous partons et traversons la plaine : rizières et palmiers d’arec. La piste est une suite d’ornières profondes qui font pencher la camionnette. Après 2 heures de trajet, nous faisons une halte dans un joli village, le temps d’un thé.
Ensuite, ça grimpe ! L’équipe technique descend dans les virages pour guider le chauffeur entre le vide et les ornières, pleines de boue. La piste s’enfonce dans la forêt de tecks en fleurs : grosses grappes de très fines fleurs jaunes qui accrochent la lumière. Il nous faut plus de trois heures pour arriver au bord du lac. Le jour tombe. La guest-house privée a été fermée, sous un vague prétexte ; on ne m’autorise pas non plus à passer la nuit au monastère. Il ne me reste que l’hébergement du gouvernement, maison en teck donnant sur le lac (15 dollars, et pas de discussion !). Nous partons dîner d’un riz avec des œufs au plat, puis Ko Ko m’invite au «cinéma» pour la vidéo d’un film d’horreur américain (100 Kyats l’entrée). Tout le village est là, dans une pièce étroite, les enfants devant, assis par terre regardent bouche bée ce film en anglais qu’ils ne comprennent pas. Au retour, je trouve la guest-house dans le noir ; il y a bien un générateur au village, mais il n’alimente pas la guest-house… et le générateur de la guest-house marche mais ne sert que pour les VIP me dit-on, c’est-à-dire les militaires ! Il n’y a pas d’eau non plus. Une fois dans ma chambre, j’entends le gérant fermer la porte à clé derrière lui. Je crie et menace de me plaindre, mais rien n’y fait, il part sans me répondre et me laisse seule, cadenassée dans la guest-house !
Le matin, le copieux petit déjeuner ne suffit pas à rendre ma bonne humeur et je refuse le bateau proposé. Nous partons à pied, en direction de Pakant ; la piste est en mauvais état. Aucune voiture ne circule entre juillet et novembre. Nous traversons des mares croupissantes. A l’entrée du village suivant, une jeune fille nous guide jusqu’au bateau qui s’approche. Il faut passer une sorte de mangrove, très vite en raison d’énormes sangsues qui infestent le coin, «plus longues que le tour d’une patte de buffle» dit la jeune fille.
Le lac, bordé d’une épaisse forêt, est sinistre et sauvage mais les villages alignent le long de la piste de belles maisons en teck très hautes, dont le rez-de-chaussée sert de parking aux éléphants… Car ici, on fait ses courses en éléphant ! Un long pont en teck relie la pagode du lac à la berge. On nous y offre du thé et des bananes. Un vieil homme raconte la guerre : porteur pour l’armée japonaise entre 1942 et 1945, il a vu un avion anglais tomber dans le lac, juste ici. De nouveau sur la route, devant nous, une dizaine d’hommes travaillent à reboucher les ornières ; je distribue de la vitamine C, seul cadeau disponible, mais on range soigneusement les cachets pour les enfants dans un morceau de papier… Puis l’un d’eux se met à parler : « C’est du travail forcé, sachez-le ! Si nous refusons, il faut payer une amende, et on n’a rien, pas d’argent ! Comment pouvons-nous cultiver nos champs si nous refaisons la route ? Et que mangerons-nous si nous manquons les semailles ?»
Nous marchons dans l’eau sablonneuse. La piste devient sentier, d’où arrivent des chevaux fatigués menés par un couple dépenaillé. C’est la forêt épaisse où vivent encore les animaux sauvages, la région des mines de jade de Pakant. On s’y rend à pied, le matériel porté à dos de cheval ou d’éléphant et les touristes ne sont pas autorisés à s’y aventurer. Je m’arrête chez le bijoutier où un homme vient y vendre de la poudre d’or. Un militaire demande mon passeport ; je lui écris sur un bout de papier les habituelles coordonnées : numéro de passeport, de visa, nom, et le voilà qui file faire son rapport… Nous avalons un bol de nouilles devant une vidéo, avant de faire le chemin en sens inverse pour retrouver chauffeur et bateau. Le jour tombe ; les éléphants regagnent leur parking. Celui que je suis a un cornac Shan qui lui chuchote des mots à l’oreille ; je vois le pachyderme s’assoir, lever sa patte le temps de lui passer une chaîne. Puis le cornac grimpe, prenant appui sur les défenses et l’emmène en lisière de forêt, pour une nuit libre.
Le bateau nous ramène au soleil couchant ; la forêt passe du vert au noir, les montagnes, derrière, au gris. Après mes protestations du matin, l’hôtelier a fait remplir le fût d’eau et je me douche à la lumière d’une mince bougie. De la fenêtre, je vois les enfants qui, dans l’eau, attrapent des sangsues. Je dîne de beignets de légumes et de thé. Ko Ko, lui, avale une quantité incroyable de riz. De nouveau, ce soir, l’hôtelier ferme la porte à clé et me laisse…. Réveil à 6 heures. Dans la grand rue la camionnette qui nous a amenés trois jours plus tôt n’a pas bougé, mais, c’est une chance, elle rentre à Hupin à 14 heures. Le chauffeur prend nos bagages et nous fixe un rendez-vous au prochain village. Nous longeons le lac vers le Sud. Au village suivant, un homme nous montre la pagode ancienne au fond de son jardin. Il est médium, guérisseur de désordres en tout genre et donneur de pouvoirs ; on vient le consulter de loin. Il porte des scarifications rouges faites avec des poudres magiques destinées à le protéger des mauvais esprits avec lesquels il négocie. Sa femme ouvre une noix de coco pendant qu’il parle : suite à plusieurs décès inexpliqués, les gens ont déserté cet endroit ; il a acheté maison et terrain pour trois cents Kyats il y a 30 ans (vingt cents !). L’endroit a retrouvé son calme et son pouvoir est, de ce fait, reconnu !
Nous reprenons la route. On charge et décharge les éléphants. Une famille semble venir de loin, avec 3 enfants. Plus loin nous disent-ils, il y a l’armée, mais, sur la gauche au bout d’un sentier à travers les bambous, un camp de chercheurs d’or s’est installé. Plus fort que le bruit des cigales et des oiseaux de la forêt, j’entends déjà le bruit du générateur. Un petit canal de dérivation amène l’eau une première fois tamisée par les hommes, à une jeune femme qui cherche au tamis, la poussière d’or résiduelle. 2 hommes jettent la terre sur le tapis et surveillent ; ici, quand on a de la chance, on peut trouver un ou deux grammes par jour bien peu d’or pour le saccage d’une forêt ! A midi, nous arrivons au village, sur la route. L’heure du rendez-vous avec la camionnette approche. Nous déjeunons à la tea-house. On m’offre une savonnette à la pomme et une douche derrière le centre administratif, et c’est le serveur de la maison de thé qui pompe pendant que je me lave dans la cabine en bois… La voiture, presque à l’heure, arrive chargée de quarante jerricans vides d’essence. Nous faisons une halte, le temps de changer une roue crevée, et pour moi, de regarder la forêt, les tecks en fleurs. De Hupin le prochain train pour Myitkyina passe, nous dit le chef de gare, vers 17 h.
A 18 h 30, les moustiques attaquent et nous allumons des serpentins anti-moustiques dans cette salle d’attente en plein-air. Un train cargo arrive à 20 h, «une expérience ferroviaire inoubliable» prédit mon guide ! Une banquette en fer fait le tour du wagon où s’entassent, au milieu, les sacs de pousses de bambou sur lesquels je ne peux m’assoir. Fatiguée, je me fais une place sur la banquette. Les arrêts en rase campagne, ne durent que quelques minutes, le temps de pousser les sacs sur la voie les pousses de bambou et de charger du charbon de bois, poussé à l’arrêt suivant et remplacé par des ananas…. Je m’endors. Il est 3 h 30 du matin lorsque nous arrivons et j’ai bien du mal à réveiller le gardien de la guest house !
En mars 2013, il était impossible d’aller à Mytkyna et au lac Indawdyi en raison des combats qui avaient repris entre l’armée birmane et la KIA (Kachin Independence Army). En 2016, la paix n’est pas revenue. L’extraction minière et les chercheurs d’or ont engendré des dégâts catastrophiques sur l’environnement. En novembre 2015, un éboulement dans la mine a provoqué la mort de plusieurs personnes.