Sittwe, juin 2012

 

Sittwe, juin 2012. Photo Marchés d'Asie.

Sittwe, juin 2012. Photo Marchés d’Asie.

Juin 2012 : situation explosive en Arakan du fait des violences entre communautés bouddhistes et musulmanes ; à Rangoon, personne ne prend les choses très au sérieux. Quelques voitures de la Croix-Rouge passent, drapeaux blancs au vent, des véhicules militaires… dans un étrange silence.

A l’hôtel, on a refusé de me donner ma chambre habituelle, donnant sur la rue ; le marché est fermé, les rassemblements interdits, le couvre-feu à 18 heures ;  les musulmans ont tous été rassemblés dans un campement, à l’extérieur de la ville. Nulle part, aucun des Rohynga que je connais.

Certaines rues sont bloquées par l’armée, interdites d’accès, d’autres, seulement contrôlées. À Minkin, je trouve Maung Maung, mon professeur de birman, au virage, qui  m’emmène au « camp », l’école du quartier, fermée depuis deux semaines. Dans ce quartier jouxtant un autre habité par des musulmans, les gens ont peur. Les violences sont quotidiennes : incendies de maisons, blessés est morts. Des bataillons de l’armée sont arrivés en renfort ; la haine monte avec la peur, les rumeurs fusent.

A Sittwe, un an après le début des violences, aucun Rohingya n’est visible dans les rues de la ville alors qu’ils étaient 73 000 avant les événements de 2012,  soit près de la moitié de la population. Ils ont été rassemblés dans des camps à l’extérieur de la ville, mais le problème n’est pas résolu. Les musulmans représentent environ 5 % des 60 millions d’habitants de la Birmanie. Les Rohingya, musulmans du Bengladesh, n’ont pas la nationalité et sont aussi rejetés par le Bengladesh une fois partis. Ils refusent le statut de réfugiés depuis 1992.

Quelles mesures prises ?

A Sittwe, les Rohynga déplacés à l’extérieur de la ville sont pris en charges par les Nations-Unies. Des Arakanais dont le quartier jouxte un quartier musulman, se sont regroupés, par peur des violences, dans les écoles fermées ; ils bénéficient des collectes de fonds et de nourriture organisées dans tout le pays mais ce système d’aide lui-même sépare un peu plus les uns des autres.

Le gouvernement de l’Arakan a adopté un renforcement  des restrictions vis à vis des musulmans qui  impose un maximum de 2 enfants par couple. Les mariages  sont soumis à une autorisation du gouvernement. (MyanmarTimes, 20 mai 2013). Entre octobre 2012 et mars 2013, environ 25 000 Rohingya auraient quitté la Birmanie par la mer selon Arakan Project, soit le double de l’année précédente.

Le 16 juillet 2012 Le Président Thein Sein a fait savoir au HCR que le gouvernement birman ne reconnait pas les Rohyinga comme un groupe ethnique national. Les violences en Arakan ont fait une centaine de morts selon le gouvernement et déplacé 90 000 personnes. .

SittweRetour en arrière sur une situation complexe : des relations depuis toujours difficiles avec le pouvoir Birman et une immigration importante de populations musulmanes venant du Bengladesh. Les difficultés économiques accentuant l’extrémisme latent ont provoqué des violences entre communautés trop vite assimilées à des violences religieuses. La perméabilité des frontières, la corruption …  ont permis à un nombre croissant de migrants du Bengladesh d’entrer sur le territoire ; sans papiers, ne pouvant circuler, ils sont concentrés dans l’Arakan, et représentent jusqu’à 98 % de certains villages près des frontières.

Plus de 11 000 vivent dans le seul camp à la sortie de Sittwe, selon les Nations Unies. Les appels à la réconciliation du Président Obama ont été vains ; le gouvernement ne veut pas donner la nationalité birmane aux Rohingya .

Alors que s’étendaient, en mars 2013, les  violences entre bouddhistes et musulmans  à Meiktila puis à Rangoon, le rapport de la commission d’enquête fut communiqué le 27 avril 2013, appelant à plus de tolérance, le déplacement des musulmans vers une zone plus sûre. Le Ministre birman de l’immigration Khin Yi s’est exprimé sur la restriction à 2 enfants impose aux Rohingya, mesure qu’il pense bénéfique aux femmes Bengali et aux enfants. Les Nations Unies ont demandé le retrait de cette mesure qui viole les droits humains.

Le Ministre de l’immigration estime le nombre des Bengalis à 1,33 millions, pour une population totale de 60 millions environ. 1,08 millions d’entre eux vivent en Arakan et seulement 40 000 d’entre eux ont la nationalité birmane. Selon Human Rights Watch, certaines femmes cachent leurs enfants. La situation reste préoccupante.